DÉ-POLLUTION ET CONTRÔLE TECHNIQUE
On débat depuis 2015 du contrôle renforcé au contrôle technique. La non-acceptation très majoritaire des ZFE et le manque d'harmonisation des décisions de l'État avec les résultats des analyses 5 gaz, y compris en SAV, nous invitent à réfléchir à des solutions cohérentes réalistes.
T. Coton, dirigeant de Capelec, répond aux questions de CT Magazine.
CT Magazine : Quel est votre avis sur les évolutions du contrôle pollution et son rôle à jouer dans les zones à faible émission ?
Thierry Coton : Au cours des 15 dernières années, l'évolution des normes pollution EURO a imposé aux constructeurs une division par 5 des émissions de particules à l'échappement et une division par 4 des émissions d'oxydes d'azote (NOx). Pour y arriver, les véhicules thermiques ont été équipés de systèmes de dépollutions qui s'avèrent être très efficaces, mais comme chaque organe cependant, ils ont une durée de vie ou des exigences de maintenance. Ainsi, lorsqu'ils perdent de leur efficacité, tous les efforts sont anéantis et le véhicule peut polluer comme ceux d'il y a 20 ans.
On ne peut donc pas juste exiger des constructeurs des niveaux d'émission toujours plus faibles par conception, sans aussi considérer la responsabilité du propriétaire qui doit réaliser les entretiens et les réparations nécessaires au maintien de ces faibles niveaux d'émission.
Le contrôle technique a cette vocation d'être le juge de paix sur la sécurité et les émissions polluantes des véhicules, et pour ce qui est des émissions, il est urgent qu'il puisse se doter de moyens pour mesurer les particules fines et les oxydes d'azote au moyen de solutions simples, économiques, avec des procédures et des limites standardisées, incontestables et reconnues par tous au niveau européen.
Sans faire ces mesures, il n'est pas pas possible de détecter un véhicule EUROV /VI qui pollue plus qu'il ne devrait, et il n'est pas non plus possible de jouer un rôle dans l'attribution de vignettes Crit'air plus juste, qui serait basé sur les émissions réelles du véhicule.
CTM : Où en est l'état de l'art sur les matériels qui permettraient ces nouveaux contrôles pollution dans les centres?
T.C. : Pour mesurer les particules fines comme les oxydes d'azote dans un centre de contrôle technique, les technologies sont disponibles et matures.
La mesure des particules fines sur les diesels a déjà démarré dans 4 états membres. Ce nouveau type de contrôle fait l'objet d'une recommandation européenne (EU) 2023/688 qui définit le cahier des charges pour les matériels, les méthodes d'essais et de vérification, la procédure du contrôle et les limites à appliquer. Il s'agit d'une mesure au ralenti qui dure quelques secondes à l'issue de quoi on sait si le filtre à particules est efficient. Ce contrôle remplace la mesure d'opacité, plus longue et inefficace sur les véhicules de catégorie EURO V et EUROVI.
Pour ce qui est de cette mesure sur les véhicules essence, le laboratoire JRC (Joint Research Center), missionné par la commission européenne, travaille actuellement sur une procédure spécifique. Aux dernières nouvelles, une mesure au ralenti accéléré donnerait des résultats prometteurs.
Enfin concernant la mesure des Nox, l'orientation serait de réaliser une mesurer en charge légère, c'est-à-dire au ralenti accéléré et sans banc de charge, ce que nous défendions déjà en 2016 dans le cadre de l'étude Française. Le JRC semble avoir abouti à une telle méthode et celle-ci est actuellement en expérimentation dans plusieurs centres en Belgique et en Allemagne notamment.
CTM : Par rapport à ce que propose la société Spheretech qu'en pensez-vous ?
T.C. : Lorsque le contrôle des particules ultrafines et des NOx sera effectif dans les centres, il faudra que les ateliers de réparation soient en mesure d'identifier les causes et de remettre en état le véhicule.
C'est dans ce contexte que l'outil Spheretech couplé à la démarche Eco entretien initiée dans les ateliers de réparation, trouvent leur raison d'être, en tant qu'outil d'aide à la recherche de panne et dans une démarche qui accompagne la montée en compétence des ateliers sur la dépollution moteur.
CTM : Et donc sur le sujet des ZFE que pourrait être le rôle du contrôle technique?
T.C. : Le contrôle technique, encore une fois, s'il est équipé de moyens de mesure pour les NOx et les particules ultrafines, pourrait permettre d'établir des vignettes Crit'air sur la base de l'émission réelle du véhicule.
Par exemple, alors que l'on devrait normalement mettre en contrevisite un véhicule euro V/VI qui pollue au-dessus des limites, on pourrait envisager, pour améliorer l'acceptabilité sociale, de ne pas exiger une remise en état mais plutôt une rétrogradation de niveau Crit'air, permettant ainsi au propriétaire de choisir entre engager les coûts de remise en état et renoncer à l'accès aux Zones à faible émission. Il pourrait également permettre aux diesels EUROV/VI qui n'émettent pas plus qu'une essence, de ne pas être écarté des zones urbaines comme cela est actuellement prévu à terme.
Par contre, si l'objectif des vignettes Crit'air est d'interdire dans ces zones les véhicules qui émettent trop de particules, il semble difficilement soutenable de pouvoir «sauver» les véhicules Euros Ill/V par une simple contrôle pollution. Pour ces catégories, un rétrofit( électrification ou ajout d'un filtre à particules) doit être, selon moi, envisagé et, là encore, le contrôle technique pourrait jouer un rôle dans la validation de l'efficacité de la mise à niveau.
Propos recueillis par Frank Ferré
Extrait de l’article « Dé-pollution et contrôle technique » - CT MAGAZINE - Juin et Juillet 2023